Politiques publiques : notre lecture

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Les politiques publiques

L’autisme est classé parmi les Troubles du Spectre Autistique (TSA).

Les classifications communément acceptées s'appuient sur le Manuel Diagnostique et Statistique des troubles mentaux, appelé DSM, dans sa 5è version, soit DSM-5, et au niveau international, la classification médicale recommandée en France est la CIM-10.
La définition qui y est indiquée est la suivante: "les TSA sont un groupe de troubles caractérisés par des altérations qualitatives des interactions sociales réciproques et des modalités de communication, ainsi que par un répertoire d'intérêts et d'activités restreint, stéréotypé et répétif. Ces anomalies qualitatives constituent une caractéristique envahissante du fonctionnement du sujet, en toutes situations".

Le cadre légal et réglementaire

Les lois, règlements, plans rapports et guides relatifs à l’autisme, se trouvent en nombre très important depuis le milieu des années 70.

Si la loi n°75-534 du 30 juin 1975 relatives aux institutions sociales et médico-sociales ont permis d’officialiser des initiatives associatives de parents d’enfants et jeunes en situation d’handicap, il faut attendre la circulaire n°95-12 du 27 avril 1995 pour qu’un premier texte officiel décline la prise en charge des personnes atteintes d’autisme.

Ensuite, comme l’ensemble des acteurs du secteur, la loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale développe un nouvel esprit en plaçant officiellement la personne bénéficiant d’accompagnement social ou médico-social au cœur des dispositifs la concernant. Ce mouvement que l’on pourrait aujourd’hui rapprocher de celui de l’inclusion se voit conforter avec la promulgation de la loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui confirme le changement de paradigme des autorités publiques et apporte des changements majeurs dans la conception de la prise en charge du handicap, du fait, notamment, de contenir pour la première fois la reconnaissance du handicap psychique. La loi réaffirmant les principes d’égalité de traitement et d’intégration, elle porte création ou transformation d’un certain nombre d’obligations qui placent la personne concernée au cœur des dispositifs dans laquelle elle est inscrite. La personne handicapée devient sujet à part entière et sa participation s’impose dans tous les établissements.

Cela se traduit notamment par l’obligation d’intégration scolaire en milieu ordinaire, la création des MDPH, de la Caisse Nationale de la Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) ou la transformation des Centres d’Aide par le Travail (CAT) en Établissement et Service d’Aide par le Travail (ESAT ).

A noter la toute récente loi n°2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et transformation du système de santé apporte une dimension nouvelle à l’évaluation et la certification des établissements de santé. Porté par la Haute Autorité de Santé (HAS), l’article 22 bis introduit une refonte de l’évaluation externe des établissements sociaux et médico-sociaux pour ces prochaines années. Il s’agira donc de passer d’une logique d’indicateurs de suivi à une logique de résultats cliniques. La personne accompagnée sera au coeur de la prise en charge avec un statut de « patient- traceur ». Il jouira d’un suivi complet, tout au long de son parcours, comme c’est le cas pour le secteur sanitaire.

Cela induit nécessairement que tout opérateur va devoir se doter d’une méthode d’investigation et d’analyse de ses pratiques, ainsi que d’une boite à outils ad hoc.

Depuis 2005, ce sont uniquement des décrets, des instructions et des circulaires qui viennent décliner de manière plus opérationnelle les enjeux d’autonomisation et de participation : la circulaire du 8 mars 2005 relative à la politique de prise en charge des personnes atteintes d’autisme1. Concernant la stratégie nationale « résolue d’inclusion des personnes autistes »2, notons la circulaire n°5973/SG du 23 octobre 2017 relative à la mise en œuvre de la politique interministérielle en faveur des personnes handicapées et de leur inclusion, ainsi que l’instruction interministérielle du 25 février 20193 relative à la mise en œuvre de la stratégie nationale pour l’autisme 2018-2022, et  enfin, le décret n°2019-629 du 24 juin 2019 relatif aux diverses dispositions en matière d’habitat inclusif pour les personnes handicapées et les personnes âgées mentionné au titre VIII du livre II du Code de l’Action Sociale et Familiale.

En complément de ces textes réglementaires, il est à noter que les questions de l’autisme ont participé à l’élaboration d’un très grand nombre de rapports et de dossiers de recherches qui ont souvent abouti, soit à la définition de Plans nationaux (nous sommes aujourd’hui au 4ème Plan dédié), soit à l’élaboration de guides et recommandations, dont les dernières, portées par l’ANESM sont largement diffusées depuis mars 20184.

 

1 Circulaire DGAS/DGS/DHOS/3C/2005/124 du 8 mars 2005, cf annexe n°….. »corpus de connaissances ».

2 Introduction Sophie Cluzel, Secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre chargée des personnes handicapées, in « stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement 2018-2022.

3 Instruction interministérielle n° DGCS/SD3B/DGOS/DGS/CNSA/2019/44 du 25 février relative à la mise en œuvre de la stratégie nationale pour l’autisme 2018-2022.

4 ANESM, «Troubles du spectre de l’autisme : Interventions et parcours de l’adulte », guide d’appropriation des RBPP, mars

Au niveau international, le rapport de l’ONU, présenté par sa rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, en mars 2019 met en exergue les manquements de l’État dans la mise en œuvre de ses engagements, notamment en ce qui concerne la scolarisation des enfants en situation de handicap, à plus forte raison, les enfants porteurs d’autisme, mais aussi les manquements en matière d’inclusion sociale, de liberté de choix, voire d’autodétermination des personnes concernées. Ce rapport rappelle que la France a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées en 2010, et qu’en conséquence des engagements avaient été donnés. Il rappelle également que dans la Constitution Française, à l’article 55, les conventions internationales ont une autorité supérieure et peuvent être appliquées directement par les tribunaux nationaux.

Fin 2017, la Cour des Comptes rend un rapport d’évaluation de la politique publique relative à l’autisme et soutient que dans le champ du handicap, les TSA portent des enjeux qui leur sont propres tels que1 :

  1. -une connaissance médicale et scientifique encore trop lacunaire,
  2. -des progrès insuffisants dans les prises en charges, des adultes,
  3. -un problème de méthode, qui ne tient pas compte de la diversité des acteurs et des outils existants.

Ce rapport d’évaluation rappelle que l’on ne guérit pas l’autisme. Ce qui interpelle les procédures à l’oeuvre, notamment dans un certain nombre de MDPH qui imposait aux familles une réévaluation de la situation de la personne à intervalle régulier.

Toutefois, on peut améliorer la trajectoire développementale de l’individu, notamment par des modes d’accompagnement fondés sur des méthodes éducatives et comportementales qui« permettent de réduire les manifestations des troubles et rendent souvent possible une inclusion durable dans la vie sociale et professionnelle »1. A l’inverse, sans soins pertinents, le risque de sur- handicap est élevé.

En conséquence, et la Cour des Comptes le souligne dans la synthèse de son rapport, « la définition de traitements pertinents, conçus dans la continuité de parcours inclusifs, constitue donc un enjeu collectif important, financier autant que juridique, sanitaire autant qu’éducatif »1. Ici encore la stratégie nationale à conduire est la réalisation de parcours sur-mesure, visant l’autonomie autant que l’inclusion.

Entre autres éléments d’analyse, alors que la démarche de désinstitutionnalisation se mue progressivement en orientation politique, le rapport indique que malgré la création des centres de ressources autisme (CRA), il manque encore bon nombre de places en établissements et de services.

Concernant les adultes, la cour des comptes soulève le problème de l’insertion professionnelle, peu soutenue par des actions spécifiques, de même que les parcours de vie sont peu cohérents, ou montrent des ruptures brutales lors des transitions (enfant/adulte notamment).

Si les pouvoirs publics ont, au travers des 3 premiers plans AUTISME depuis 2005, tenté d’améliorer les démarches de diagnostic, de la recherche et donc des réponses à apporter aux personnes concernées, il est encore reconnu, dans le 4ème plan autisme 2018-2022, que des efforts sont à accomplir en matière de diagnostic et d’orientation, notamment en renforçant la formation des professionnels de premier niveau (médecins généralistes, pédiatres, médecins scolaires, enseignants, éducateurs de jeunes enfants), mais aussi en renforçant les centres de diagnostics, aujourd’hui pris d’assaut, et incapables de réaliser des diagnostics dans un délai raisonnable ne dépassant pas les 446 jours2. Le récent rapport parlementaire de mise en œuvre de la politique publique relative à l’autisme confirme cette analyse en insistant sur le faible nombre de professionnels formés aux TSA (notamment psychologues et thérapeutes)3.

Au-delà d’un accès au diagnostic qui est devenu discriminant, c’est l’efficience des parcours d’accompagnement qui est remis en question tant les actions et modalités d’accompagnement apparaissent, pour l’État, trop limitées ou dispersées. L’accès aux soins et aux droits dépendent des évaluations des MDPH dont les procédures initiales sont hétérogènes d’un territoire à un autre. Cette difficulté largement mise en avant par les familles et les associations aggrave bien souvent les situations personnelles, du fait notamment des délais de prises en charge qui se voient rallongés et des démarches épuisantes, auprès de multiples interlocuteurs.

De manière globale, et s’appuyant sur ce 4ème plan, et les conclusions du dernier comité stratégique du projet SERAFIN-PH, l’orientation actuelle de la politique des pouvoirs publics tend vers le tout inclusif. La clé d’entrée est clairement positionnée au niveau de l’individu même, avec ses besoins et ses attentes, qui doivent s’exprimer au travers d’un parcours de vie concerté, reconnaissant en premier lieu la personne avec ses compétences et potentiels, sa famille et son expertise. Les acteurs, quant à eux, se doivent de modifier leurs conceptions d’actions, et de privilégier la logique de services plutôt que celle de places.

 

1 Cour des Comptes, « évaluation de la politique en direction des personnes présentant des troubles du spectre de l’autisme », décembre

2 « Stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement », secrétariat d’Etat chargé des personnes handicapées- avril 2018

3 Rapport d’information n°2170 sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d’information n°1024 du 6 juin 2018 sur l’évaluation de la prise en charge de l’autisme, Assemblée Nationale, 17 juillet

Les recommandations de bonnes pratiques, publiées par l’Agence Nationale de l’Évaluation et la qualité des Établissements et Services sociaux et médico-sociaux (ANESM), aujourd’hui fusionnée avec la Haute Autorité de Santé (HAS). Bien que non opposables, ces recommandations sont définies comme des « propositions développées méthodiquement pour aider les professionnels à rechercher les actions les plus appropriées dans des circonstances cliniques, sociales et médico- sociales données »1 Elles se basent sur les éléments les plus actualisés de la recherche scientifique.

Les points de vigilance aujourd’hui portés par les pouvoirs publics sont:

  1. l’autodétermination, donc la communication avec l’individu,
  2. la formation des professionnels,
  3. l’évaluation en continu de la situation de la personne afin d’adapter l’accompagnement,
  4. l’utilisation combinée et pertinente de plusieurs approches, techniques et méthodes,
  5. l’information, l’accompagnement des familles,
  6. l’insertion sociale et professionnelle.

Ceux-ci sont déclinés à partir de 2 objectifs principaux à rechercher :

  1. l’autonomie,
  2. la participation de la personne

Ainsi, afin de permettre à chaque personne d’être actrice de son parcours de vie et de la construction de son projet, les institutions doivent poursuivre l’objectif de l’expression des choix et des préférences de chaque individu accompagné.

Pour cela, il est recommandé de penser la démarche diagnostique et les évaluations de fonctionnement au long cours de manière articulée.

Si la démarche diagnostique associant évaluations de fonctionnement et diagnostic médical est un préalable, il s’agit aussi de construire le projet personnalisé dans une approche globale, dite intégrative associant une équipe pluridisciplinaire, la personne concernée et sa famille (si elle le souhaite et l’exprime)1.

Ces étapes servent l’objectif de favoriser l’évolution de la situation de la personne sur un ensemble de compétences. Il s’agit alors de construire les apprentissages, utilisant les méthodes et techniques d’accompagnement les plus adaptées. La question des soins médicamenteux est incluse dans cette étape.

Toute co-construction suppose comme préalable, une communication entre les différents protagonistes. Celle-ci peut être rendue difficile selon les capacités des personnes avec autisme. Dans tous les cas, l’objectif lié au précédent est de permettre à la personne de développer son langage, dans ses versants réceptifs et expressifs. Pour ce faire, c’est aux professionnels, avec l’aide des familles reconnues expertes et la personne elle-même de définir l’outil le plus adapté, notamment pour les personnes non verbales. Les systèmes de communication alternatifs et augmentatifs sont à mobiliser, de même que les nouvelles technologies.

L’équipe pluridisciplinaire doit rechercher les compétences techniques les plus adaptées, et l’intervention de professionnels extérieurs est favorisée (ex : orthophonistes…etc).

Le rapport parlementaire des Députés Fasquelle et Sarles de juillet 20192 souligne la volonté de la HAS de généraliser, dans les procédures d’évaluation des services, la prise en compte de l’avis des usagers, notamment au moyen d’un recueil de satisfaction. Cette démarche déjà éprouvée dans le champ sanitaire est susceptible d’être mise en œuvre en 2020.

Une fois les modalités de communication établies, grâce aux apprentissages et aux stimulations quotidiennes, s’ensuivent la recherche de l’évolution des capacités et compétences de chaque individu (habiletés et interactions sociales, domaine de la cognition et des émotions, domaine de la sensorialité et de la motricité et le domaine des intérêts restreints et des stéréotypies.

Le projet personnalisé doit pouvoir inclure les évaluations et stratégies correctives à adopter en matière de motricité et de sensorialité comme dans les domaines des intérêts restreints et souvent atypiques, comme dans celui des stéréotypies. L’investigation somatique est essentielle et suppose, une fois encore d’associer l’ensemble des personnels de l’établissement, à commencer par les psychologues. Les éducateurs dans leur missions d’observation apportent ici une expertise qui vient compléter celle des familles et proches de l’individu.

Le rapport parlementaire de 2019 souligne que l’évaluation de l’impact des recommandations de bonnes pratiques professionnelles (RBPP) est désormais actée comme axe d’action à développer à court terme. En effet, la HAS a décidé de constituer une commission chargée de « constater l’appropriation des recommandations par les professionnels »3. C’est de l’aveu des auteurs, une (r)évolution culturelle qui s’annonce pour le travail social.

Le Plan Autisme de l’Agence Régionale de Santé Provence-Alpes-Côte -d’Azur 2014-2017 ne disait pas autre chose au travers de sa mesure numéro 9 : « élaborer des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et évaluer leur mise en œuvre ». En effet, dans un souci d’amélioration des prises en charges, l’enjeu est celui « d’un projet personnalisé d’interventions construit avec et pour la personne dans le respect de sa singularité et de sa famille. Ce projet personnalisé qui doit être régulièrement réévalué et adapté doit alors recouvrir toutes les actions directes et indirectes auprès de la personne avec et sur son environnement au  regard  de son  parcours de  vie  et de  soins »4.Et de renchérir sur la liberté de choix de la personne : « Cela implique le respect du choix de vie de la personne et le fait que ces choix puissent évoluer pour tenir compte de la nature et de l’ampleur des besoins tout au long de sa vie ». Et sur l’enjeu d’inclusion qui doit être poursuivi au travers de toutes les composantes d’un parcours de vie : « professionnelle, sociale, éducative, thérapeutique, culturelle, accès aux soins, accès aux sports »4.

 

1 ANESM, « Guide d’appropriation des recommandations de bonnes pratiques professionnelles- Troubles du spectre de l’autisme : interventions et parcours de vie de l’adulte », mars 2018

2 Rapport d’information n°2170 sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d’information n°1024 du 6 juin 2018 sur l’évaluation de la prise en charge de l’autisme, Assemblée Nationale, 17 juillet 2019, op.

3 Rapport d’information n°2170 sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d’information n°1024 du 6 juin 2018 sur l’évaluation de la prise en charge de l’autisme, Assemblée Nationale, 17 juillet 2019, op.

4 ARS PACA, « 3ème Plan Autisme PACA 2014-2017 », août 2014