Au Grand Réal, le confinement n’est pas synonyme d’isolement

Au Grand Réal, le confinement n’est pas synonyme d’isolement

Nous avons consulté les familles du Grand Réal sur les possibilités d’accueil de leurs protégés pendant la période de confinement. Petit à petit, certains résidents ont intégré le domicile familial pour une durée indéterminée, nous avons ainsi commencé à avoir un lien régulier avec les familles. Dans nos fonctions de psychologues, nous avions pour habitude de garantir un rendez-vous une fois par an avec les familles, pour faire le point, parler du projet personnalisé que nous proposons de travailler avec leur protégé, des objectifs mis en place et ceux à travailler. Nous pouvions également nous entretenir avec eux par téléphone en cas de nécessité.
Comment passer de cette relation éloignée, distanciée, à une fréquence de deux appels par semaine pour les psychologues, ainsi qu’un appel par les éducateurs en visioconférence ? C’est alors que nous sommes entrés petit à petit dans le quotidien de familles, dans une forme d’intimité. Ils connaissent maintenant notre rythme d’appel et la plupart nous racontent des anecdotes, parfois leurs vies intimes, les remaniements du fait d’avoir leurs enfants à la maison. Certains sont bouleversés, une famille me raconte qu’ils n’ont pas eu leur enfant depuis plus de seize ans pendant une si longue période. Certains me parlent de cette expérience comme un cadeau du ciel, un don. D’autres en revanche sont épuisés, « vivent pour deux » pour reprendre les propos d’une mère. C’est alors que nous proposons une forme d’échange plus informel qu’à l’accoutumée, le confinement peut bouleverser les places de chacun et les habitudes, mais nous maintenons un lien, et nous les accompagnons sans pour autant nous immiscer dans l’ordre familial.
Nous les entendons rire en nous racontant des anecdotes, nous soutenons également les pleurs de familles en détresse, nous apportons des limites, une aide pour élaborer, des habitudes, des rituels. Mais surtout nous nous laissons enseigner, nous apprenons de nombreuses expériences de vie, nous entendons des résidents parler plus qu’à l’accoutumée. Cette nouvelle forme de communication supprime le contact physique, pouvant être vécu comme persécuteur avec la personne avec autisme. Ils nous racontent, nous enseignent leurs vies en dehors du Grand Réal. Ils sont aujourd’hui dix-sept, nous maintenons chaque semaine cet accompagnement verbal psychologique, qui nous surprend, par la possibilité de transmettre par le langage, de donner de notre voix, d’entendre la leur.
Le déconfinement commence à se penser, nous devons préparer le retour de nos résidents sortis en famille, accompagner ceux restés en foyer vers un retour à une vie plus ordinaire, et repenser la nouvelle place de chacun… Nous allons devoir élaborer de nouvelles formes de communication du fait de cette expérience précieuse et imprévue.

Voici également un verbatim d’anecdotes de résidents sur site ou en famille :
« Il faut aller vers le mieux, je remercie tout le personnel».
« J’en ai un peu ras le bol quand même, t’en as pas ras le bol toi ? »
« Cette année c’est con ! »
« J’ai vraiment très hâte de revenir au Grand Réal ».
« Qu’est-ce qu’on mange, on n’arrête pas de manger !! ».
« On est confinés pourquoi ? C’est à cause du président le Général de Gaulle ? »
« Le confinement c’est le luxe ».
« J’ai entendu le discours du premier ministre, ce sera à partir du 11 Mai mais ce ne sera pas la vie d’avant…. Ça veut dire quoi la vie d’avant ? ».
« Est-ce-que Macaron va parler lundi ? Parce que lundi c’est férié…
« Le réal me manque tellement un peu ».

Auteur: Emma SUGIER, psychologue clinicienne, FH-FAM Le Grand Réal