Exposition « ÉCORCES » – Benoît SCHMITT

Exposition « ÉCORCES » – Benoît SCHMITT

"ÉCORCES" - Benoît SCHMITT

Exposition des créations de Benoît SCHMITT

à la galerie

(29 rue du Portail de Laure – 13810 EYGALIERES)

du 4 avril au 31 août 2024.

Une histoire de paroles, absentes ou présentes, une histoire de corps, de cœurs et d’esprits.

C’est une histoire de paroles, absentes ou présentes, une histoire de corps, de cœurs et d’esprits.

C’est une histoire de gens qui travaillent ensemble pour accompagner d’autres gens.

C’est un voyage, avec des territoires inconnus, où nous devons nous orienter entre mesures et démesures.

Ici on vit au milieu de l’incohérence, au pays des bribes.

Tout est éparpillé, disloqué, tout est n’importe où, n’importe comment, n’importe quand.

Mais rien n’est n’importe quoi.

Quand le FAM des Capelières à ouvert, il y a dix ans, la première chose que nous avons entrepris, avec les moniteurs d’ateliers, ce fut de créer de nouveaux chemins sur cet immense terrain.

Des chemins de traverses, tracés par les déplacements des résidents eux mêmes, que nous avons suivis, car il existait déjà des allées bien construites et fonctionnelles.

Suivant leurs traces, nous avons ainsi tramé le terrain sur lequel nous allions vivre ensemble.

Et c’est là que nous sommes, travaillant dans les allées fonctionnelles et les chemins de traverse, construisant un quotidien bâti à la fois par la commande sociale et le terrain des variantes infinies et complexes des personnes qui nous sont confiées.

Au moment d’exposer ses broderies, Benoît a déjà passé une dizaine d’années à utiliser ce médium.

Certaines parties de ce texte remontent à 2014, elles sont extraites d’un journal de bord de l’atelier, cela commence ainsi :

Journal 2014

«  Dans un premier temps, Benoît refuse de se saisir de la broderie et de ses outils. Il a pourtant bien suivi les explications (c’est moi qui ai brodé devant lui les bords du motif), mais il semble vouloir rester dans le non-faire.

Cette position dure plusieurs semaines…A chaque fois, obstinément, autant que lui, je lui re-propose l’activité, et j’accepte aussi son refus, très net, puisqu’il repousse l’ouvrage.

Il est toujours à la même place dans l’atelier, une place qu’il a choisi, à côté de la table, pas loin de la fenêtre.

Finalement, après avoir essuyé un nouveau refus, je me décide à laisser l’ouvrage sur la table à côté de lui, lui disant qu’il peut aussi bien le prendre tout seul, et je vais m’occuper de quelqu’un d’autre.

Plus tard, du coin de l’œil, je vois que Benoît a commencé… je ne dis rien, je fais semblant de ne pas voir, jusqu’à ce qu’il se manifeste de lui même, pour que je lui fournisse un nouveau fil et que je le passe dans le chas de l’aiguille.

Depuis il brode , des heures durant, avec plus ou moins d’application, plus ou moins juste, mais il fait, il fabrique.

J’ai décidé dans un premier temps de ne pas intervenir sur la « perfection » du faire, mais de privilégier l’action en elle-même. De temps en temps, je glisse tout de même une remarque sur la régularité, un peu, comme un petit signe de prévoyance.

En chemin, nous sommes dans l’atelier, nous travaillons la présence dans ce lieu, la construction et la perception de ce lieu dédié à la fabrication d’images, de sons et de sens.

Dans le cœur du travail, la motricité fine, l’échange, la concentration. »

Comment repérer un processus créatif possible?

Qu’est ce que c’est la créativité, et comment on la construit en relation avec quelqu’un d’autre?

Je ne crois pas pouvoir répondre à cette question ici, bien que ce soit une problématique récurrente de l’atelier créatif….

Mais, pour essayer de résumer, il faut partir du constat que la créativité ce n’est pas seulement peindre , dessiner, écrire, et que chacun de nous , à différents niveaux et moments, sommes bien obligés de résoudre des problèmes, et par là, à être créatifs.

Ça n’a donc pas forcément de lien avec l’art tel que l’on se l’imagine, et vu ainsi, cela ouvre complètement le champ des possibles.

C’est parce que Benoit faisait des boucles dans ses déplacements, en tournant sur lui même avant d’entrer à l’atelier, en passant et repassant par les mêmes endroits, et parce que j’avais vu a quel point il observait les moments de couture au foyer que je lui ai proposé cette activité.

C’est à l’intérieur des choses dites, par la parole ou par le corps, que nous essayons de faire une place aux possibles, tentons d’imaginer la conciliation, même si les mouvements observés ne paraissent pas motivés par un processus créatif.

Ici , c’est l’analogie qui a fait la connexion.

Journal 2015 :

«  Il comprend que nous travaillons une continuité, que nous allons vers quelque chose de complet. J’ai l’impression que cela lui plait, dans une certaine mesure, et c’est ce que nous devons peut être garder à l’esprit pour un deuxième temps. Quelle serait cette mesure? et bien la sienne, celle des chemins, des traces, des boucles, des retours en arrière.

D’ailleurs si je regarde à l’arrière des broderies , la manière dont Benoît procède illustre quelque chose de cela; au lieu d’avancer progressivement dans la trame, d’un point a un autre, il fait surgir l’aiguille a des endroits inattendus, opérant des retours, « gaspillant » la matière. Pour un  résultat identique, il passera deux fois plus de fils..

Mais en même temps, je le vois mettre en place des stratégies de patience.

Par exemple, après avoir brodé une grande surface de la même couleur, il choisit un petit espace nécessitant seulement quelques minutes de réalisation.Il alterne donc, il crée une forme de rythme, il a compris l’ampleur du travail et s’organise mentalement pour la durée. Ce n’est pas rien…

Un rythme, une respiration, et une expression faite de soupirs, de souffles. Pas un soupir de lassitude , plutôt une ponctuation, quelque chose qui décompresse, qui se soulage.

Il observe aussi de près ce qu’il fait : tout à l’heure, il voulait poser une couleur, un jaune pâle, mais au moment de la poser, il a agi comme si il s’était aperçu qu’il avait déjà utilisé cette couleur dans la bande voisine. Son bras est resté en l’air, aiguille à la main, hésitant, moment de questionnement, regardant le canevas, puis il s’est tourné et a choisi une autre couleur, violette, une couleur complémentaire, créant un contraste très efficace.

Les objectifs de Benoît se réalisent: il est présent de corps et d’esprit dans son activité.

La broderie, par son travail répétitif et calme à cet apport rassurant d’une tâche qui avance et qui permet à l’œil et à la main d’être très focalisés tout en laissant l’esprit libre de vagabonder.

Il arrive maintenant à Benoît de faire des nœuds lui-même pour terminer un espace en bout de fil. Il dépasse alors les rituels que nous avons entre nous en prenant plus d’autonomie. »

Dans cette exposition, vous verrez les broderies que Benoît a réalisé il y a déjà trois ans.

Ce travail fait partie d’un cycle long, plusieurs années, autour du thème de l’arbre .

L’atelier créatif n’est pas, à mon sens, un atelier de thérapie, mais un lieu de soutien à long terme, une forme d’étayage. Les projets proposés sont ancrés dans le réel, pour faire avec ce qu’il se passe.

Sur le terrain de l’institution, Benoît casse des arbres. Il les brise, les scie, les arrache.

C’est difficile et c’est une histoire ancienne.

Voilà pourquoi nous avons travaillé sur les arbres.

Pour les regarder, pour en parler, pour en construire des images, pour les toucher.

Il n’y a pas de miracles.

D’ailleurs, il vient de complètement raser un beau rosier. Parfois, on dirait qu’il voudrait que certaines choses disparaissent…

Mais comme ça on en parle, on y travaille, cela existe et c’est dans le sens de l’élaboration, de l’envisageable.

Pour ne pas toujours prendre les choses du côté lourd.

La légèreté est notre baume, nous devrions nous en parfumer, nous masser avec, nous en pénétrer, que ce soit une légèreté profonde, que nous en soyons imprégnés.

Cette légèreté , comme ça, sérieuse, consciente, nous protège.

Une légèreté joyeuse.

Journal 2017 :

«  Durant ces trois années, nous avons pu constater la persévérance de Benoît sur cette activité de broderie et de montage d’images brodées.

Le résultat est assez impressionnant, non seulement par les dimensions, mais aussi par la qualité , les variations de points, les manières de faire, la prise en compte des surfaces colorés, et parce que dans ce résultat, cet objet fini, on mesure bien le temps passé à le faire, et la volonté de le faire.

ll y a donc quelque chose du désir qui se montre là.

Et il y a aussi quelque chose du possible, un chemin que nous pouvons maintenant emprunter ensemble à l’atelier, en toute confiance.

Nous avons pu aborder pendant tout ce temps l’image du corps morcelé, rassemblé, dans la matière, dans le geste, dans l’espace.

Nous avons, littéralement, créé des liens. »

 

Journal  2018 :

 » Avec l’atelier Nature, nous cherchons un équilibre intérieur-extérieur pour Benoît.

Pendant ses ballades avec cet atelier, chaque vendredi, l’attention de Benoît sera orientée sur les écorces des arbres. Leurs couleurs, textures, agencements, seront observées, touchées, collectées. Ainsi accompagné dans les ballades, tous les sens seront sollicités, de l’odorat au toucher.

Avec l’atelier créatif, elles seront discutées, comparées, différenciés, cataloguées, mises en relation avec des photographies, décalquées, dessinées.

Il s’agit du vivant, de ce que l’on peut en dire à sa manière, de ce que l’on peut en jouer. C’est un jeu d’identification, de distance, de réflexion.

Les mains et les doigts s’amusent, couvrent des surfaces, caressent des matières.

L’esprit conçoit un début, une fin, et au milieu, un chemin.

J’ai expliqué à Benoît une histoire ( qu’il  connaissait sans doute déjà) celle de la lecture du développement des arbres sur leurs troncs en coupe. Ainsi nous avons abordé les questions de l’âge, du temps qui passe, des états différents des êtres et des choses qui nous entourent.

La continuité, la transformation, la disparition.

C’est comme cela que nous avons commencé à broder des lignes concentriques, des troncs plus ou moins larges, plus ou moins âgés.

En entrant dans la fabrication de ces broderies, nous avons croisé pas mal de problématiques, qu’elles soient techniques ( faire des nœuds, se servir d’outils spécifiques) ou poétiques ( faire des images, parler de tout ce qui nous entoure).

Nous avons regardé les arbres, leurs corps, leurs âges, leurs veines, leurs peaux… »

Des livres, nous avons tourné les pages et découvert l’immense variété des écorces.

Les degrés d’abstraction nécessaires pour passer du réel à l’image photographiée puis de la photo au dessin et enfin du dessin au schéma , tout cela a été fait avec Benoît, en prenant le chemin le plus direct, celui de la parole, et en faisant ces grandes fiches que vous trouverez aussi dans l’exposition.

Le langage est étranger, le langage est étrange. C’est un son, ce sont des signes, parfois incompréhensibles, un assemblage mystérieux.

Moi aussi, devant TAXUS BACCATA, BETULA PENDULA, CYRTOSTACHYS RENDA, et compagnie, je me suis trouvé face à cette étrangeté, et vous?

Que cela ne nous empêche pas d’appréhender la complexité des choses, ne renonçons pas.

Ici ,tout simplement, nous nous sommes appropriés ces mots, ces images.

Nous en avons fait des motifs pour travailler.

Nous y avons trouvé des motifs pour se parler, pour passer du temps ensemble à œuvrer, à échanger comme tout un chacun.

Des motifs que Benoît montre ici .

Et comme un arbre, ils augmentent d’un cercle la présence d’une personne au monde.

Auteur de l’article : Didier TISSEYRE, moniteur de l’atelier créatif – FAM Les Capelières – Saint-Estève-Janson (13).

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